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2023-09-10Georges Fulliquet : Le problème de la souffrance
La science et la philosophie ne cherchent pas à détourner des phénomènes religieux
Quand l'apologétique s'est bien acquittée de sa tâche, l'incrédule renonce à la dialectique intellectuelle contre les vérités chrétiennes, mais il lui faut autre chose pour qu'il consente à accepter la foi, et ce n'est pas l’apologétique qui se charge de l'amener à la conversion positive. Il ne faut pas dire que l'apologétique se place sur le terrain scientifique. En effet la science ne formule pas plus d'objections contre la religion qu'elle ne présente des arguments en sa faveur. La science et la philosophie ignorent les phénomènes religieux parce qu'ils n'offrent pas le caractère d'universalité. Mais la science et la philosophie ne cherchent pas à détourner des phénomènes religieux ceux qui s'y sentent attirés.
Il est très difficile de donner un nom à l'attitude de l'incrédulité qui attaque les vérités religieuses au nom des expériences générales et des connaissances communes de l'humanité, sans tenir compte des expériences spécifiques de l'homme religieux d’où découlent légitimement ses affirmations intellectuelles. Les éléments de la discussion sont empruntés aux sciences et à la philosophie. Mais l'esprit de la discussion n'est ni scientifique ni philosophique, c'est proprement et uniquement celui de l’incrédulité, c'est-à-dire du parti pris.
L'apologétique s'efforce de ramener les arguments de l'incrédulité à leur stricte valeur scientifique ou philosophique en les dégageant de ce parti pris d'hostilité à la religion. Et de plus l'apologétique s'efforce de citer en faveur de la religion d'autres données scientifiques ou philosophiques, qui complètent ou contredisent celles auxquelles se complaît l'incrédulité pour satisfaire son parti pris d’hostilité. L’apologétique cherche en ce travail de défense à ne pas interpréter les données scientifiques ou philosophiques à la lumière spéciale de la foi. C’est dans ces conditions seulement qu’elle peut atteindre à un résultat acceptable et durable.
La souffrance se rattache au fonctionnement et à la sensibilité
Pour bien étudier le problème de la souffrance, il faut tout d'abord considérer comment naît la souffrance, comment apparaît la douleur, en observant avec soin les conditions qui la préparent et qui l'accompagnent. Nul sujet n'est plus favorable que l'expérience morale, où l’homme passe insensiblement du sentiment de l'obligation au sentiment du remords. Nulle souffrance ne se présente en sa genèse avec plus de clarté, que le remords. Le fait typique qui nous donnera les renseignements précis et complets sur la signification de la douleur c'est le devoir.
Nous envisageons l’expérience d'obligation morale. Ce que tout homme sait bien pour l'avoir éprouvé à maintes reprises, c'est qu’au moment précis où cesse pour lui l'impression ordinaire de nécessité, à l'heure où l'hésita¬ tion lui semble permise entre plusieurs résolutions, préparées par l'ensemble des événements antérieurs, c'est-à-dire lorsqu'il se croit ou se sent libre, lorsqu'il échappe au déterminisme étroit et complet, apparaît un sentiment spécifique original, irréductible à tout autre, le sentiment du devoir, de l'obligation. Sans en donner une interprétation philosophique, tout homme sait bien qu'au-dessus de cette coloration générale appliquée à l'ensemble de ses actes : « il faut » — « il est nécessaire » — se produit régulièrement pour certaines décisions cette nuance aisément reconnaissable : « je dois » — « je suis obligé ».
Pour expliquer cette apparition nouvelle, il faut avoir re¬ cours à la distinction du moi conscient, du moi subconscient, du moi superconscient. La conscience n’éclaire qu’une partie de la réalité complexe qui constitue le «moi». Elle est singulièrement variable en son extension. On peut ou la rétrécir et la concentrer, ou l’élargir et la disperser. Selon les circonstances et les intentions de l’homme, il est pré¬ férable que le champ de la conscience se réduise à un seul objet qui accapare toute la lumière, ou que le champ de la conscience embrasse une multitude d’objets entre lesquels se partage l’attention. Mais que sont et que deviennent les réalités psychiques que la conscience n’éclaire pas ? En convenant de donner le nom de seuil de la conscience ou limen au minimum d’acuité nécessaire pour qu’un fait psychique devienne conscient, on appellera sub¬ liminal tout ce qui fut un instant conscient et cesse de l’être ou tout ce qui a longtemps échappé à la conscience avant de lui appartenir. Il faut de toute nécessité une réserve subliminale à l’activité de la conscience, c’est là qu elle abandonne ce qu’elle ne retient plus, et c’est là qu’elle va chercher ce qu’elle désire. Plus simplement encore nous appellerons subconscient ce qui a cessé d'être conscient sans cesser d’exister, et ce qui n’est pas encore parvenu à la conscience bien qu’existant réellement. C’est le passage à l’état conscient et l'influence constatée sur l’état conscient qui permettent d’affirmer que le non cons¬ cient est cependant existant.
Georges Fulliquet (1863-1924), Le problème de la souffrance : Essai d'apologétique moderne, Genève 1909, ss. 7-10
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