Aurel Stoica & Marta Moldovan-Cywińska: Les objets parlent-ils ?

Aurel Stoica : J'ai longtemps voulu te poser cette question : les objets parlent-ils ?
Marta Moldovan-Cywinska : Bien sûr, chaque objet, avec sa forme, son âge, son utilisation, raconte son histoire. Les objets disent aussi comment une personne les traite, ils ramassent nos souvenirs. Ils construisent notre identité.
Aurel Stoica : Cela signifie-t-il qu'un excès d'objets dans notre environnement est synonyme d'une personnalité riche ?
MMC : Heureusement, je sais que tu plaisantes. Nous avons des galeries intérieures, des musées de l'esprit, des mausolées de la mémoire, nous les emportons partout avec nous, nous les lançons en toute circonstance, même si l'internet cessait de fonctionner partout dans le monde.
AS : Meubles, textiles, luminaires, décorations, couvre-lits, couvertures, coussins...
MMC : De quoi me reproches-tu que mon (in)intérieur ne soit constitué que d'objets et non de concepts ?

AS : Je te pousse à te confier.
MMC : Les déverser dans un espace virtuel où tout le monde se confie et où la notion de confidences, de secrets, a perdu son sens premier. Je ne plaisante pas !
AS : Alors transformons notre conversation en une citation de Breakfast at Tiffany's :" Holly : Jeudi... On est jeudi aujourd'hui ? Jeudi ! Impossible, c'est monstrueux ! Paul : Qu'est-ce qu'il y a de monstrueux dans le jeudi ? Holly : Rien, mais il arrive toujours à l'improviste ".
MMC : ...parce que parler des objets, c'est de facto parler du temps ? Ils documentent le temps qui passe !

AS : En plein dans le mille !

MMC : Je te lance Pawlikowska-Jasnorzewska : « Ils battent les horloges à toute vitesse,/ils font tic-tac, tic-tac et tic-tac,/sur le seuil de la vie, ils chantent,/suggérant les zones du temps ».
AS : Et c'est pour cela qu'il y a un silence si terrible. Merci pour cet entretien.

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